Elle est devenue infirmière malgré sa surdité profonde

Elle est devenue infirmière malgré sa surdité profonde

 

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A 24 ans, Tanya Al-Khudri est la première infirmière sourde diplômée du canton. Image: Georges Cabrera

«Aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours voulu devenir infirmière. Mais aussi loin que je me souvienne, on m’a toujours dit que je n’y arriverais pas.» Tanya Al-Khudri a donné tort aux briseurs de rêves. Cette Genevoise de 24 ans est devenue l’an passé la première infirmière sourde diplômée du canton. A l’occasion d'une conférence à la mi-décembre, elle a raconté son combat pour briser les stéréotypes et pour prouver qu’être sourde ne signifie pas être incompétente.

On est accueilli par de lumineux yeux bleus et une poignée de main franche. «Comment va-t-on communiquer?» Tanya sourit, rassurante: «Je lis sur les lèvres et j’entends grâce à un implant, explique-t-elle avec une prononciation quasi-parfaite. Ne parlez pas trop doucement ni trop vite et c’est parfait!» La jeune femme est sourde de naissance. Elle apprend la langue des signes à 2 ans et un an plus tard, elle reçoit un implant qui lui permet d’entendre une partie des sons. «Mais c’est très artificiel, métallique, pas totalement distinct et s’il y a du brouhaha je ne comprends rien.» Sa scolarité obligatoire se déroule sans embûches, avec l’aide d’un interprète en classe et des cours intensifs de logopédie pour apprendre à moduler sa voix et construire sa prononciation.

«La santé? Tu rêves!»

Lorsqu’elle doit choisir son orientation professionnelle, il n’y a pas à tergiverser: ce sera infirmière. C’est moins l’évidence du côté de l’assurance invalidité (AI), qui prend en charge les frais auxiliaires liés au handicap, dont les interprètes. «J’ai fait une liste avec les métiers que j’aimais et ce que je ne voulais pas faire. Ma conseillère AI m’a dit: «Tout ce que tu as choisi est irréalisable. Tu rêves trop. Refais un choix parmi ceux que tu as écarté.» Refus de l’intéressée; elle intègre l’Ecole de culture générale (ECG) en filière santé. «La première chose que mon prof m’a dite c’est: comment tu vas faire avec le stéthoscope?» Inébranlable, Tanya maintient son cap et termine l’ECG avec de bonnes notes, à force de travail acharné et de quelques aménagements d’études.

Prochaine étape: la Haute Ecole de santé. «On m’a encore répété que je visais trop haut…» Elle est admise en 2010. C’est l’année où elle met un genou à terre. «Ça ne s’est pas très bien passé… Certains profs refusaient de transmettre à l’avance les documents de cours aux interprètes pour leur faciliter la tâche. On m’avait acceptée à la condition que je sois autonome, certes. Mais je ne demandais pas grand-chose!» Tanya est rongée par le stress. «J’ai perdu 6 kilos en quelques mois…» souffle la jeune fille. Elle se relève. Travaille. Suit des cours d’appui trois fois par semaine. Comble ses lacunes avec les notes de camarades. Et en 2014, victoire: elle obtient son diplôme! Depuis un an, la jeune infirmière vit son rêve et travaille à l’EMS Les Mouilles.

Sourde mais pas incapable

Aujourd’hui, la jeune femme veut partager son expérience pour briser les préjugés. «Les gens pensent que les sourds ne sont pas autonomes. Oui, certains ne parlent pas car ils n’ont jamais appris et ils n’entendent rien même avec un implant. Mais d’autres en sont capables. J’ai dû me battre pour montrer que j’avais des capacités. Les gens doivent comprendre qu’il faut séparer le handicap et les compétences!»

Elle souhaite aussi que les sourds puissent vivre leur rêve, comme elle: «Si j’ai réussi, c’est grâce au soutien de ma famille et de mes amis. Et parce que je n’ai jamais écouté les gens, j’ai toujours écouté mon cœur.»

Une antenne santé spéciale

Son cœur lui lance maintenant un nouveau défi: «J’aimerais améliorer l’accès aux soins pour les sourds en créant une antenne qui leur est dédiée, avec des médecins qui maîtrisent la langue des signes. Pour l’instant, la plupart des sourds se rendent aux consultations avec des interprètes. Mais ceux-ci sont peu nombreux en Suisse romande, on croise tout le temps les mêmes. C’est un peu gênant de se faire accompagner par un interprète à un rendez-vous gynécologique et de le revoir ensuite à un repas de la Fédération des sourds!» conclut Tanya en rigolant.


«Il faut améliorer l’accès à la formation»

Sandrine Burger, responsable médias Suisse romande pour la Fédération suisse des sourds, revient sur les difficultés soulevées par Tanya Al-Khudri.

Les études supérieures sont-elles inaccessibles aux sourds?
Certains ont les capacités pour les entreprendre, d’autres pas. Le problème est qu’on ne leur laisse pas l’opportunité d’essayer! La faute notamment à l’AI qui rechigne souvent à payer des interprètes et pousse fortement vers l’apprentissage pour une question de coûts. Extrêmement peu de sourds accèdent à des études supérieures. Et lorsqu’ils y parviennent, c’est souvent grâce à leur fort caractère et au soutien de leurs proches.

Les sourds sont cantonnés à une liste réduite de métiers?
Autrefois, on les cantonnait à être couturière ou menuisier. Aujourd’hui, le grand créneau c’est l’horlogerie, un métier qui nécessite une grande concentration et où il y a peu d’interactions… C’est l’aspect communicationnel qui fait souvent peur aux employeurs. Pourtant, avec les nouvelles technologies, une grande partie de la communication se fait par mails! Avant de voir ce que la personne pourrait faire, les patrons s’arrêtent sur la surdité et les complications potentielles. Il est donc difficile pour les sourds de prétendre à d’autres métiers que ceux dans lesquels on les cantonne, même s’ils en ont les capacités. Nous réfléchissons à des projets, il faut améliorer l’accès à la formation et à l’emploi, en sensibilisant mieux les hautes écoles, les employeurs et l’AI, et en prônant l’accès à une éducation bilingue (langue des signes, langue parlée/écrite).

Que pensez-vous du projet de former des employés de la santé à la langue des signes?
C’est totalement pertinent. Dans un domaine aussi pointu que la santé, il faut que la communication entre le médecin et le patient sourd ou malentendant soit optimale. Il existe des interprètes certes, mais ils sont moins d’une trentaine pour toute la Romandie (ndlr: pour environ 2000 sourds). Et ils sont sollicités dans de nombreuses situations, en classe avec des écoliers, pendant les réunions de parents d’élèves, en justice, etc. Et les personnes sourdes n’osent parfois pas faire appel à eux car certaines situations, chez le médecin par exemple, peuvent être intimes… Enfin, il n’existe pour l’instant plus de formation d’interprète en Suisse romande. (TDG)

Source: www.tdg.ch

Voir aussi:

-Programme OSE- Orientation et services en emploi (services gratuits*)

-Services d’infographie et d’impression offerts par des personnes to...

-Offre d’emploi: Photographe professionnel(le) sourd(e)

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