Des groupes de sourds veulent une reconnaissance officielle de la langue des signes au Canada

Samedi dernier, quelques centaines de personnes se sont réunies sur la colline Parlementaire à Ottawa pour exiger du gouvernement canadien qu'il reconnaisse officiellement la langue des signes. Est-ce une idée farfelue? Une quarantaine de pays dans le monde le font déjà. Au provincial, Québec solidaire est un fervent défenseur du projet.

Un reportage de Vincent Champagne

La langue des signes est reconnue légalement par plus d'une quarantaine de pays. Photo : iStock/Jovanmandic

Il n’y a que deux langues officielles au Canada, le français et l’anglais, et le français est la seule langue officielle du Québec. L’Association des sourds du Canada souhaite la « reconnaissance » de la langue des signes, qui aurait des répercussions pour les quelque 300 000 personnes que l’on estime sourdes au pays.

« C’est un élément clé du respect des droits humains des personnes sourdes », affirme sans détour Frank Folino, président de l’Association des sourds du Canada, à l’origine de la manifestation de samedi.

« Cela permettrait d’offrir aux personnes sourdes un accès égal aux milieux de vie, aux transports, aux services, à l’information et aux communications », clame-t-il, car « elles ont le droit d’expression et d’opinion » comme tous les autres citoyens.

Un droit tiré de la Convention relative aux droits des personnes handicapées des Nations unies, qu’a signée le Canada en 2010, et sur laquelle l’Association appuie sa revendication. « Les États parties [...] reconnaissent et favorisent l’utilisation de la langue des signes », peut-on y lire très clairement.

C’est donc dire que le Canada ne respecte pas complètement la Convention qu’il a signée, comme l’a fait remarquer dans un rapport un comité du Haut-Commissariat des Nations unies pour les droits de l’homme, en mai 2017.

Des manifestants, dans une rue d'Ottawa, tiennent une banderole revendiquant la reconnaissance de la langue des signes.

Des centaines de personnes ont marché devant le parlement canadien le samedi 22 septembre afin de revendiquer la reconnaissance de la langue des signes. Photo : Facebook / Fondation des sourds du Québec

« Une vraie langue »


La langue des signes n’est pas qu’un simple moyen de communication pour les personnes sourdes, affirme Daniel Forgues, président directeur général de la Fondation des sourds du Québec. « C’est une vraie langue, c’est ma langue », dit-il au cours d’une entrevue téléphonique rendue possible par l’intervention d’une interprète de la langue des signes du Québec (LSQ).

Ce ne sont pas juste des petits signes. Une recherche a été faite sur les expressions faciales,
la syntaxe, la grammaire, la structure. Au même titre qu’une langue parlée,
une langue signée, c’est une langue en soi.

Daniel Forgues, pdg de la Fondation des sourds du Québec

Concrètement, la reconnaissance de la LSQ au Québec et de l’American Sign Language (ASL) au Canada anglais forcerait les gouvernements à s’assurer de la disponibilité d’interprètes ou de relais vidéo dans ses points de service et dans les institutions publiques, au même titre qu’on y retrouve des rampes d’accès pour les personnes en fauteuil roulant, par exemple.

« À l’aéroport, s’il faut chercher dans la valise d’une personne sourde, ou s’il y a un problème, il faut que la personne sourde ait accès à la communication, pour qu’il n’y ait pas, par exemple, d’emprisonnement erroné », explique M. Forgues. Même chose pour les musées et les palais de justice : « Nous voulons avoir des services accessibles et égalitaires », dit-il.

Ottawa agit, mais pas sur ce front


À Ottawa, cette revendication n’est pas une priorité, s’il faut en croire les réponses de deux ministères concernés, soit celui des Langues officielles et celui de l’Accessibilité. « Le gouvernement reconnaît l’importance d’avoir des politiques plus inclusives et accessibles », dit le bureau de la ministre responsable des Langues officielles Mélanie Joly, sans préciser si Ottawa comptait reconnaître la langue des signes.

« La langue dans laquelle les citoyens expriment leurs idées, partagent et travaillent, est au cœur de leur identité », dit-on encore, en redirigeant vers le projet de loi C-81 déposé en juin par le gouvernement libéral et « visant à faire du Canada un pays exempt d’obstacles ».

Cette « loi sur l’accessibilité » ne fait pas mention de la langue des signes. « Notre gouvernement est déterminé à éliminer les obstacles pour tous les Canadiens handicapés, y compris les personnes sourdes ou malentendantes », indique pourtant le bureau de la ministre des Services publics, de l’Approvisionnement et de l’Accessibilité Carla Qualtrough.

C'est pourquoi les associations de personnes sourdes ont bien l’intention de participer aux consultations qui vont venir.

Par ailleurs, la reconnaissance de la LSA et de l’ASL aurait des coûts, s’il fallait fournir des services d’interprètes à travers le pays. Ni l’association canadienne ni la fondation québécoise des sourds n’ont estimé le coût d’un tel projet.

La reconnaissance de la langue des signes aurait un coût, puisque le gouvernement devrait s'assurer d'offrir des services d'interprètes aux gens en ayant besoin. Photo : iStock


Québec solidaire, seul engagé


Au niveau provincial, la reconnaissance de la langue des signes fait partie du programme électoral de Québec solidaire, une proposition qui « a été appuyée à l’unanimité par les membres », indique Benoit Racette, candidat du parti de gauche dans Saint-Henri–Sainte-Anne.

On ne peut pas impunément laisser tomber ces citoyens québécois là.

Benoit Racette, candidat de Québec solidaire

Les frais supplémentaires seraient prélevés à même les enveloppes allouées « aux milieux de l’éducation, à la Commission des droits de la personne et à l’inclusion au travail », dit M. Racette, engagé de longue date dans la défense des personnes handicapées.

La Coalition avenir Québec se dit « consciente que plus d’efforts doivent être mis de l’avant pour assurer une plus grande accessibilité aux services publics » aux personnes handicapées, mais ne fait pas de cet enjeu une priorité. Le parti de François Legault rappelle toutefois son engagement de transférer à Montréal une partie des chirurgies d’implant cochléaire, actuellement toutes réalisées à Québec.

Le Parti québécois « est en faveur d'une meilleure intégration du langage des signes dans l’espace public et dans tous les domaines », indique le département des communications, qui estime toutefois qu’il « existe des manières plus efficaces d’agir » que la reconnaissance officielle de la LSQ.

Le Parti libéral n’a pas répondu à notre demande de commentaires.

Source : Radio-Canada

Voir aussi : 

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